30 mai 2024
Scandinavie, chapitre 4 – La Finlande
Nous quittons la côte de la mer de Barents et son peuple et pénétrons les forêts profondes de Finlande.
13 mai 2023, 8h30. Après en avoir pris plein les yeux dans les fjords, nous roulons en direction d’une autre grande étape du voyage : le Varanger.
La péninsule, appartenant au comté du Finnmark, fait face à la mer de Barents. On y retrouve des paysages de toundras arctiques qui abritent un cortège d’espèces nordiques, faisant le bonheur des naturalistes. C’est une région également très prisée pour observer les oiseaux marins et les cétacés depuis la côte.
On change radicalement d’ambiance : j’ai l’impression d’être chez moi ! Malgré la magnificence des fjords, je m’y sentais parfois à l’étroit, coincée entre un littoral bien peuplé et la route serpentant à travers les montagnes. Ici, on se retrouve sur des terres à la fois isolées et paisibles. Même lorsque le temps devient capricieux, je me sens à mon aise, bercée par les embruns.
Seulement quelques villes et ports de pêche ponctuent la route. Notre premier arrêt se trouve à Vadsø, une petite commune de pêcheurs divisée entre le continent et la minuscule île de Vadsøya. Nous passons plusieurs heures à admirer les groupes d’Eiders à duvet et de Steller qui barbotent tranquillement entre les bateaux. Alors que je déambule le long de la plage, perdue dans mes pensées, Matthis m’appelle : il a vu une masse sombre dans l’eau, au large ! Nous scrutons l’horizon pendant des dizaines de minutes mais … rien.
Prochaine étape : les falaises de la presqu’île d’Ekkerøy, à seulement 15 minutes de Vadsø. Ce spot est connu pour son énorme colonie de Mouettes tridactyles qui compte environ 40 000 couples ! L’ambiance est surréaliste, les cris des Mouettes, semblables à des pleurs de bébés, nous submergent complètement. Nous passons un long moment à observer leurs allées et venues, les couples se séparant et se reformant au gré des apports incessant de nourriture et de matériel pour confectionner le nid. Certains individus se réchauffent paisiblement au soleil alors que d’autres hurlent à s’en casser le syrinx.
Nous empruntons ensuite le sentier, nous permettant d’avoir une vue en contre-plongée sur la colonie. Le plateau sur lequel nous nous trouvons est une lande tourbeuse recouverte de baies rouges. Nous prenons notre temps, nous nous allongeons un long moment sur ce tapis moelleux et comme à son habitude, Matthis fixe sans relâche l’horizon.
Cachalot !
J’ai peine à y croire : Matthis vient de repérer un cachalot en train de dégazer à la surface de l’eau, au milieu de la baie. La mer est calme et on ne lâche pas nos jumelles, prêt.e.s au grand spectacle. Au bout d’une minute ou deux, l’énorme cétacé sonde ! Comme dans les films, il déploie lentement sa queue et malgré son imposante carrure, il sombre tranquillement dans les profondeurs. Magique. Et puis, comble du bonheur, un groupe d’orques s’invitent à la fête et nous offre une magnifique scène de chasse, leurs énormes ailerons semblables à des planches à voile démesurées. On compte deux mâles, deux femelles et un petit.
Le Varanger nous offre de magnifiques spots dodos, faciles à trouver et toujours face au grand bleu. Même si les villes sont peu nombreuses, on a envie de s’arrêter sur chaque lieu pour explorer. On poursuit tranquillement la route vers Vardø, un autre endroit incontournable du voyage : une énième ville de pêcheurs mais avec un charme en plus … Peut-être est-ce dû à son mystérieux Drakkar Levianthan ? Ou bien ses statues en bois à l’effigie de marins, sorcières et goélands disséminées dans le village ? Ou encore à sa voisine, l’île d’Hornøya, ornée de son phare, qu’on admire depuis le port ?
Dès notre arrivée à Vardø, on est tout de suite hypnotisés par cette île : elle est bien connue des voyageurs car elle abrite une énorme colonie de Macareux moines, Pingouins tordas, Guillemots de Troïl et de Brunnich. On sait qu’il est possible d’y aller en bateau mais on sait aussi que ce n’est pas donné … 50€ par personne pour une traversée de 10 minutes ! Pendant que nous sommes en pleine discussion sur l’occasion que nous pourrions manquer si nous décidions de ne pas y aller, Mère Nature nous offre une nouvelle représentation : un ballet de Baleines à bosse, de Rorquals communs et de Petits rorquals ! Ça plonge, ça claque avec ses nageoires et sa queue, ça pêche, c’est fou ! Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés là, éberlués.
Nous reprenons peu à peu nos esprits et décidons d’aller faire un tour dans le port pour avoir plus d’infos sur cette fameuse île aux oiseaux. Nous croisons un charmant couple de français qui en reviennent justement et ils nous assurent qu’il faut absolument y aller ! Bon, affaire conclue.
Je dors un peu mal cette nuit-là, excitée et stressée car depuis le début du voyage, c’est la première fois que nous avons un horaire à respecter et ma peur du retard se réveille … Tout va bien, nous achetons nos billets le matin et embarquons dans un petit bateau de pêche.
Au bout de quelques minutes à peine, nous débarquons sur Hornøya et tous nos sens sont assaillis : une énorme masse d’oiseaux marins tourbillonne au-dessus de nos têtes. L’odeur poisseuse de leurs fientes emplit nos narines et la cacophonie de leurs cris nous vrille le crâne. J’étais pétrifiée, à la fois émerveillée et étourdie par tant de vie ! Nous avons dû passer 15 bonnes minutes immobiles, à s’acclimater à cette ambiance surréaliste : ça piaille, ça fiente, ça se bat et ça copule dans tous les coins … Bienvenue ! Nous progressons prudemment sur le sentier en prenant garde de ne pas marcher malencontreusement sur un nid. La proximité est telle que les Macareux moines nous passent dans les jambes et que les Cormorans huppés nous pincent les chevilles si nous avons le malheur d’approcher un peu trop de leur progéniture. Je précise que bien sûr, le sentir est balisé afin de limiter le dérangement et que seulement une petite partie de l’île est accessible aux visiteurs.
Nous progressons lentement sur le sentier et nous finissons par atteindre le phare de l’île. La vue au sommet est époustouflante et nous y passerons le reste de la journée. Nous faisons connaissance avec un charmant couple composé d’un italien et d’une estonienne. Ils nous racontent la nuit magique qu’ils viennent de passer dans le phare, coupés du reste du monde. Alors que nous discutons, on entend le souffle des baleines en contre-bas. L’ambiance est folle ! Puis, une détonation retentit. Nous scrutons le large, sans comprendre. Matthis s’intéresse de plus près aux nombreux bateaux de pêche qui stationnent sur l’eau … On finit par comprendre que ce sont des baleiniers et que la détonation signait la fin pour un Petit rorqual, seul espèce de baleine chassable. Je me refuse à observer dans la longue-vue la large tache rouge qui grossit près de la coque du navire. C’est à ce moment que l’on réalise que malgré notre amour pour la Norvège, il faut garder un esprit critique sur ses valeurs et ses pratiques « traditionnelles ».
Au terme de cette journée riche en émotions, nous reprenons le bateau et après un bon dodo, nous filons vers Berlevåg. La route est longue car nous devons revenir sur nos pas puis regagner le nord. La toundra défile sous nos yeux, toujours recouverte d’un épais manteau de neige. Pendant deux jours, Matthis inspecte sans relâche le paysage dans l’espoir d’apercevoir un fantôme : l’Harfang des neiges. La chouette mythique a été observée la veille par deux autres français que nous avons rencontrés. Nous croisons beaucoup d’espèces le long de notre route mais malheureusement, l’Harfang ne se montre pas.
Après cette quête infructueuse, nous mettons le cap vers notre dernière étape du Varanger : le phare de Kjølnes. J’attendais avec impatience ce dernier spot norvégien et j’ai adoré ! Nous y passerons deux jours à observer le ballet des oiseaux et mammifères marins. Nous avons la chance de voir un groupe d’orques passer tout proche et les rorquals sont au rendez-vous. Après avoir bien profité de cette ambiance de bout du monde, il est temps de se diriger vers le prochain pays : la Finlande !